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Singularity : la collection où les anonymes ne sont pas seuls

Idan Wizen nous livre les détails de la collection Singularity

Le projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon, mis en place en 2009, regroupe différentes collections. Singularity. Un univers, plongé dans la pénombre, à la croisée du théâtre et du cinéma. Des mannequins de vitrine au regard perturbant. C’est de cette collection à l’univers sombre et intriguant que le photographe Idan Wizen va nous livrer les détails.

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Tête-à-tête avec l’artiste Idan Wizen

Bonjour, je suis Idan Wizen, artiste photographe. Je vais parler aujourd’hui de la collection Singularity, qui est la dernière collection du projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon. En résumé, très rapidement Un Anonyme Nu Dans Le Salon, c’est un projet qui a commencé en 2009 et qui est là pour parler de la diversité et l’unicité du genre humain. Un projet qui propose à chacun de venir poser dans le plus simple appareil, peu importe son âge, peu importe sa corpulence, peu importe son physique ou son expérience. Et on va conserver une photographie de chaque être pour en faire une œuvre d’art.

 

Peux-tu nous expliquer le choix de ce décor ?

La collection Singularity, elle a commencé en octobre 2021 et elle est toujours en cours à l’heure où je fais cette interview. C’est une collection qui est basée sur des rideaux noirs en damassé, comme vous avez juste à côté de moi. Il va y avoir plusieurs couches, trois couches de rideaux qui vont nous permettre d’avoir une profondeur, donner une perspective particulière à la photo. Il y a toujours sur les photographies des mannequins de plastique noir comme il y a derrière moi, qui vont venir habiller ou en tout cas entourer le modèle et donner justement un sens différent et plus profond. Et puis c’est une photographie qui est réalisée à l’aide de quatre flashs de studio, qui va nous donner des lumières très marquées, assez douces et en même temps plutôt inquiétantes, avec des orientations lumineuses qui viennent derrière les rideaux et qui laissent l’imaginaire avoir sa place pour se demander ce qui peut se passer derrière ces rideaux.

 

Pourquoi as-tu choisi d’intégrer des mannequins de vitrine dans cette nouvelle collection ?

La présence des mannequins, pour moi, je l’ai trouvé très intéressante, parce qu’elle permettait de donner des sens multiples aux photographies. C’est ici toute l’idée de cette collection, laisser libre cours à l’imaginaire et à l’interprétation du spectateur. Ces mannequins peuvent représenter beaucoup de choses en fonction de la photographie, mais également en fonction du spectateur. Ils peuvent représenter l’archétype du corps idéalisé, parfait. L’aspiration du modèle à être ce mannequin sans imperfection apparente. L’espoir, l’envie ou le désir vers le sexe opposé ou vers le même sexe. Il peut représenter également le jugement sociétal, le regard d’autrui. Et puis également, on est encore dans une phase où on est à peine sorti des confinements des isolements, le rapport à l’autre, le rapport aux autres, plus globalement. C’est quelque chose que j’ai voulu de très métaphorique. De très évasif et de très onirique.

 

Pourquoi avoir choisi d’habiller cette collection avec plusieurs couches de rideaux imposants ?

Généralement, quand on est sur un plateau photo. On va travailler sur une seule couche, on va avoir un fond d’une couleur unie. Alors, blanc ou noir, on peut travailler sur différentes couleurs. Éventuellement quelque chose de texturé. Mais souvent, ce n’est qu’avec un seul arrière-plan. Ici, j’ai voulu concevoir et penser la collection avec trois niveaux de rideaux, qui pouvaient passer au premier, deuxième et troisième plan, devant le modèle, derrière le modèle et pouvoir jouer avec ces espaces. L’idée, c’était de laisser des zones d’ombres, non pas uniquement au sens de la lumière, mais au sens du questionnement, de ce qu’il pouvait y avoir derrière. De là, où on pouvait regarder le modèle, de là où pouvaient surgir les mannequins. L’idée, c’était de donner une profondeur différente et de pouvoir permettre au spectateur d’interpréter différemment, encore une fois, de donner plusieurs sens à chaque photographie.

 

D’où viennent ces objets ?

Les objets dans la pièce, pour la petite anecdote, ont été récupérés dans l’appartement d’une vieille femme qui est décédée. C’était la voisine d’un ami qu’il ne connaissait pas, moi non plus et qui n’avait pas d’héritier, pas de descendant. Et ces éléments allaient partir encombrants. Ce qui m’a plu, c’est que cette femme habitait dans cet appartement depuis plus de 60 ans et donc ces éléments, son appartement, c’était un véritable cabinet de curiosités. Des choses qui avaient vécu, qui avaient une histoire, que je ne connaissais pas et j’ai voulu les récupérer pour leur donner une deuxième vie, pour les réintégrer, leur donner une nouvelle vision des choses dans ces photographies.

 

Pourquoi avoir appelé cette collection Singularity ?

Pourquoi j’ai appelé cette collection Singularity ? Parce que ce paradoxe m’a plu. Singularity, on comprend facilement en français, la singularité. On entend, on imagine, quelque chose de singulier, d’unique, d’indissociable. Et pourtant, c’est un mot qui, en fonction des domaines dans lequel on parle, a énormément de sens différents. En physique, en mathématiques, en biologie, en sociologie. C’est un mot, au fond, qu’on connaît tous, qu’on ne maîtrise pas forcément et surtout qui va changer de sens en fonction de son contexte. Et c’est ce qui m’a plu. C’est exactement ce que je voulais dire et exprimer avec chacune des photographies de cette collection.

 

Est-ce qu’il y a une opposition entre l’ambiance du projet et cette collection très sombre ?

Je crois que la joie, elle ne s’exprime pas forcément de manière très expressive ou en criant. Je crois que j’aime la mélancolie. Dans cette collection, en fait, on va vraiment chercher au fond de soi, dans son inconscient, dans son subconscient, les ressources, le pourquoi, le questionnement vis à vis de soi-même, vis-à-vis des autres, vis-à-vis de son corps, vis-à-vis de la nudité. Ce n’est pas forcément quelque chose qu’on va exprimer de manière très vive et très visible. J’ai des collections que j’avais envie de travailler justement sur des choses beaucoup plus expressives, beaucoup plus fortes comme la collection Artificial Nature que vous pouvez découvrir sur le site. Mais sur cette collection, je parlais d’un état d’âme, d’une envie, d’une interprétation. Et au fond, on est dans le questionnement et sur les émotions, sur les ressentis des modèles, mais également du décor et de l’ambiance. On reste dans le questionnement, on reste dans quelque chose de très doux, de très mélancolique, de très onirique, où on va dans la subtilité.

 

L’ambiance mélancolique de Singularity a-t-elle un rapport avec la société actuelle ?

Oui, je pense qu’on est dans une société, on va dire pré post Covid-19, on commence à en sortir, mais pas totalement. Et je crois que beaucoup de choses ont changé. Les gens se sont retrouvés très seuls. Ou en tout cas, ça a parfois brisé des familles, des liens. Ça a été une épreuve pour tout le monde. Je ne parle bien entendu pas de l’épreuve sanitaire à proprement parler, des gens qui ont énormément souffert, voir qui sont décédés. Mais je pense à tous ceux qui étaient en bonne santé et qui ont vécu un confinement, un isolement, un couvre-feu. C’est quelque chose qui, je pense, a profondément changé les gens. On verra comment ça évolue, si tout reviendra comme avant. D’ici à quelques années. Mais je pense qu’il y a eu un grand changement chez les jeunes, principalement. Un rapport à son moi intérieur qui est différent.

 

Est-ce qu’il y aurait des photographies dont tu voudrais nous parler ?

Une photo dont j’ai envie de vous parler, c’est la photo HB2296. C’est une photo que j’aime beaucoup, pas forcément de par ma responsabilité, mais en grande partie grâce au tatoueur qui a travaillé sur le dos de cette jeune femme. Je trouve que ça se marie parfaitement bien avec les rideaux, avec  l’ambiance. On a presque l’impression, quand on la regarde de loin, que c’est de la post-production qu’on a rajouté ces tatouages et qu’ils avaient le même motif que les rideaux. Elle se fond parfaitement dans ce décor. Elle est là, très évasive. On y voit à peine son visage, et voilà, elle me parle et me permet de rêver, d’aller ailleurs. Voir une œuvre d’art dans une œuvre d’art, je trouve ça toujours magnifique. Quand on pense à photographie de nu, on pense souvent à l’érotisme, la sensualité. Quand on regarde mon travail, on va plutôt regarder un travail descriptif sur le corps, sur l’humanité.

Une autre photo dont j’ai envie de parler aujourd’hui, c’est du HB2332. C’est une photo qui parle avant tout de la solitude, de la détresse sociale, de montrer à quel point dans notre monde hyperconnecté, on est tous en contact avec des personnes à l’autre bout de la planète, via les réseaux sociaux. Au fond, on peut être très seul. C’est ce que j’ai voulu exprimer dans cette photographie, où cet homme qui est là, au pied de cette femme. Qui est presque là, à la supplier, lui demander, est-ce que c’est pardon ou à l’aide ça, sera encore une fois de plus au spectateur d’imaginer, de voir ce qu’il a envie d’y voir au fond. Mais c’est quelque chose qui me plaisait au fond de parler, d’avoir envie de parler d’autre chose que du corps et de l’être, et parler plus au fond d’un être social sur cette photo. Un sujet qui me tient vraiment à cœur dans l’ensemble de mon travail. Que ce soit sur le projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon, ou sur mes autres collections et mes autres travaux artistiques, c’est le thème de la liberté. C’est quelque chose qui me tient à cœur, qui me questionne et m’interroge beaucoup.

Il y a encore une photo dont je voudrais parler, c’est HB2349. Elle parle justement de la liberté, de cette apparence de libération. On voit cette jolie jeune femme jetée ses cheveux en arrière, sortir de sa zone de confort et pour aller vers l’avant. Mais en même temps, quand on regarde en détail, on voit qu’elle est bloquée. Elle est bloquée par les anses de la chaise qui l’empêchent de sortir. Elle est bloquée parce qu’elle ne lâche pas la main du mannequin. Est ce que c’est sa mère ? Est-ce que c’est l’opinion publique ? Est-ce que c’est le regard d’autrui ? En tout cas, il lui reste une attache. Elle ne peut pas totalement s’en aller ou s’échapper. Elle croit être libre, mais il lui reste quelque chose qui la retient.

La collection est en cours, mais est-elle déjà disponible à l’achat ?

Oui, vous pouvez dès à présent commander les premiers tirages de la collection. On n’attend pas de finir la collection pour les proposer à la consultation,
à la publication et à la commande, pour plusieurs raisons, y compris économiques. Voilà, j’ai même tendance à dire que je pense que les meilleures photos, principalement dans les plus petits formats, partent très vite. En général quelques jours après leur publication, donc n’hésitez pas à suivre le site, à suivre les newsletters pour voir quand il y a de nouvelles photographies publiées. Et puis vous laissez tenter si vous avez envie.