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Liberty : la nature façonnée par l’Homme

Avec ses lumières douces et enveloppantes, cette collection nous emmène dans un voyage onirique autour de l’abandon et de la recherche de liberté.

Le projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon, mis en place en 2009, regroupe différentes collections. Liberty, dans son décor délicat et décalé, nous enivre par ses innombrables fleurs violacées en tissu. Idan Wizen, son créateur, nous en dit un peu plus sur cet univers onirique, propice à l’évasion.

EN SAVOIR PLUS

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Bonjour, je suis Idan Wizen, artiste-photographe à Paris. J’ai créé entre 2018 et 2019 la collection Liberty, du projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon. C’est une collection qui comprend 198 photographies, et comme toutes les photographies du projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon, les personnes qui sont venues poser sur cette collection n’ont pas été castées, n’ont pas été choisies. Ce sont des gens de tous les jours, qui ont été prises telles quelles, sans retouches, avec leur corps tel qu’il est au naturel. 

 

Pourquoi mettre des gens nus au milieu de fleurs violettes ? 

Avant tout sur la collection Liberty, ce dont j’avais envie de parler, c’est un thème qui m’est très cher, sur l’ensemble de mes travaux artistiques, c’est la liberté individuelle. Cette liberté au général, où on va se contraindre soi-même, vis à vis du regard des autres, vis à vis de la pression sociale. 

Pour cette collection, on s’est fortement inspirés du tissu anglais “Liberty”, qui nous a donné l’idée du titre. Mais c’est également travailler sur ces fleurs violettes, qui représentaient, selon moi, une nature altérée par l’humain, une nature qui est toujours en perpétuelle transformation, en évolution. Toute l’idée de ce contraste entre l’homme dans son état naturel et cette nature transformée, travestie, c’est de montrer qu’on pouvait évoluer, que l’humanité pouvait évoluer en même temps que la nature. 

 

Ce décor fleuri, d’autant plus de couleur rose, s’associe souvent avec le féminin? Que voulais-tu dire en faisant poser des hommes ? 

Je ne suis pas totalement d’accord. Je ne pense pas que le rose soit forcément associé au féminin. Les tons roses et violacés de Liberty pour moi sont avant tout synonymes de sérénité, d’apaisement, de tranquillité, pas forcément de féminité. 

A mon sens, un homme qui pose au milieu de ces fleurs ne remet pas en cause sa virilité, ne remet rien en cause. Ce sont avant tout des tonalités que moi j’aime, que j’apprécie, que je trouve belles aussi bien sur les hommes, que sur les femmes. 

 

Était-ce voulu de créer un contraste entre le décor et l’image traditionnelle de la masculinité ? 

Non, je ne pense pas. Quand je réfléchis à une collection pour le projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon, je ne pense pas en termes d’hommes et de femmes. Je pense avant tout en termes d’humain, quel que soit son genre. Ce qui compte pour moi, c’est pour que la photo parle des sentiments, des sensations, des ressentis qu’on a en tant qu’être humain, peu importe qu’on soit un homme ou une femme. J’ai créé cette collection pour qu’elle convienne à tout le monde, aussi bien aux hommes qu’aux femmes. 

D’ailleurs les titres des photographies commencent tous par HB puis un numéro. Le numéro c’est tout simplement l’ordre avec lequel la personne est venue poser, et HB signifie “human being”. Tout simplement.

 

C’est un univers à l’opposé de Purity ? N’est-ce pas compliqué pour un artiste d’avoir des styles si différents ? 

C’est vrai qu’on demande à l’artiste d’avoir le même style, immédiatement reconnaissable tout au long de sa carrière. Je trouve ça extrêmement réducteur et assez dommage. Souvent c’est avant tout pour des raisons commerciales. Si on est capable de reconnaître directement l’artiste, c’est plus facile pour les clients, pour la presse, pour les acheteurs et c’est très vendeur. 

Pour ma part, j’essaie de faire en sorte que mon approche reste constante sur ma vision des choses. Par contre, graphiquement j’ai envie d’évoluer, de faire des choses différentes, suivre mes envies, ma passion, mon inspiration du moment et je n’ai pas envie de me contraindre de faire que la photo en couleur, ou en noir et blanc, ou des choses très épurées ou des choses très chargées. J’ai envie de rester très libre là- dedans.  

 

Comment as-tu réussi à faire ce décor plein de fleurs ? En retouche ? 

Ah non, ce n’est pas de la retouche ! Il n’y a aucune retouche sur les photos. Les fleurs étaient vraiment là. Ce sont des fleurs en tissu. On avait plus de 20 m² de fleurs en tissu dans le studio. Et donc les modèles s’allongeaient ou étaient debout directement dessus. 

Pour la petite anecdote, les fleurs sont en tissu, mais elles sont maintenues entre elles par de petites tiges en plastique, qui ne sont pas extrêmement agréables, pas forcément confortables. Si sur les photos les gens ont l’air apaisés, détendus, en général, ça leur faisait mal aux pieds, ou ailleurs quand ils étaient dessus. Mais c’est là toute la magie de la photographie. 

 

Peux-tu nous parler de tes photos préférées ? 

Je n’ai pas de photo préférée, je les aime toutes. Après je peux vous parler de quelques unes qui ont une résonance particulière pour moi. Je crois que ce qui compte avant tout, c’est la résonance dans l’œil du spectateur. Même si ça peut parler de ce que moi j’ai envie de dire, pensez avant tout d’aller les regarder vous-mêmes. 

 

Une photo dont j’ai envie de vous parler c’est HB1746. C’est pour moi une photo qui représente l’oxymore des émotions. On le voit serein, libre. Il a totalement oublié que je suis là, à le prendre en photo. Il est presque dans une position à l’opposé que sa taille et sa carrure massive nous font penser. Il est à l’opposé des diktats de la mode, il est à l’opposé de beaucoup de choses, et pourtant il est là, heureux d’être là. Son bonheur fait rayonner l’image. C’est une photo que j’aime beaucoup, que je trouve très forte et qui ne laisse pas indifférent. 

 

Je pourrais également vous parler de HB1669, qui se trouve juste derrière moi. C’est une photo que j’aime beaucoup parce qu’elle me parle de cette force intérieure qu’on a tous au fond de nous, qu’on peut aller chercher d’une sérénité. Quand je le vois, je vois quelqu’un qui s’est battu presque toute sa vie, et qui a enfin trouvé son équilibre. Il est toujours un peu précaire, plein d’introspection, mais il a un équilibre. 

L’introspection c’est quelque chose de fondamental à mon sens. C’est ce qui nous permet d’évoluer, de devenir des êtres meilleurs, de progresser dans la vie. Cette photo, en la regardant le matin, elle me pousse à avoir une réflexion sur moi-même et de m’améliorer en tant que personne. 

 

Une photo qui m’évoque beaucoup de choses, c’est la photographie HB1778. Pour moi c’est le paroxysme de la liberté sur cette photographie. Elle défie tout, toutes les contraintes, tous les conditionnements. Elle défie même les lois de la gravité. On la voit s’échapper du décor. Elle est totalement libre, elle s’est affranchie de tout ce qui pouvait la retenir dans son passé, dans son éducation. Elle avance pour devenir une personne libre, meilleure, épanouie. C’est une photo qui me touche beaucoup, et qui ne me laisse pas indifférent. 

 

Liberty est une collection avec des couleurs très présentes et un décor très chargé. A-t-elle plu aux différents acheteurs ? 

Liberty c’est une collection qui plait, mais je crois que quand je réalise une série photographique, je ne me demande pas si elle va plaire, si elle va aller avec la couleur du canapé ou l’intérieur chez les gens. Je crois qu’il ne faut pas penser comme ça. Et d’ailleurs je pense que quand on achète de l’art, ça n’est pas ce qu’on se demande. On n’achète pas la décoration, pour ça il y a de très grandes marques qui fonctionnent très bien et qui font des prix imbattables. 

Quand on achète de l’art, on l’achète avant tout pour ses émotions, pour ce qu’on ressent, pour les idées qu’il représente. On l’achète pour tout ça, au-delà de savoir si les couleurs vont aller bien ensemble. Et puis je crois qu’une bonne œuvre d’art, bien encadrée, bien posée, va n’importe où, peu importe les couleurs, la taille ou les formats etc. Je crois qu’il faut aller au-delà et ne pas confondre achat d’œuvre d’art et de décoration.