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Témoignage

Comment Idan se comporterait devant ce corps…?

J’ai découvert le site sur le net un peu par hasard. Je ne connaissais pas Idan. C’est d’abord le concept qui m’a plu: Photographier des inconnus, sans exclusive, comme un inventaire. J’ai aimé ce côté systématique et hasardeux. Et en plus les photographier nus, c’est les photographier vrais. Sans tabou. Sans artifice.

L’idée de poser nu me plaisait aussi, parce que c’est à la fois très naturel (c’est comme ça qu’on est) et assez « exceptionnel » ( le nu public est cantonné à des lieux et des moments spécifiques). Parce que c’est dérangeant. Etre nu face à un inconnu qui vous scrute derrière son objectif, ça vous fragilise. On se sent vulnérable. Mais paradoxalement, on se sent aussi plus fort. L’idée, le fait, de se déshabiller devant quelqu’un qu’on ne connaît pas et avec lequel on n’entretient ni liens affectifs, ni complicité, a quelque chose d’assez ridicule. On se déshabille en catimini. Mais une fois nu, on devient un héros. On devient un personnage, un modèle, un sujet. On se dépasse.

Le « Nu » c’est traditionnellement lié à l’art. Peinture, sculpture, danse, performances, photos… Sinon, on entre dans la sphère de l’intime. En posant nu, on entre dans le domaine de l’art. Mais l’art n’a rien à voir avec la beauté. Et l’anonyme n’a pas besoin d’être beau, pour intégrer le domaine de l’art. Ce n’est même pas la beauté des photos qui m’intéressait (et pourtant elles le sont) mais bien ce désir de ne pas choisir et de parier que de chacun de nous il y a une image qui peut être l’expression d’un moi profond. Une photo est belle, non pas parce qu’elle est esthétique, (à moins que l’esthétisme pur ne soit sa seule raison d’être) mais parce qu’elle touche à la vérité. De tout ça (de la globalité de son projet), j’ai longuement discuté avant, par mails, avec Idan, avant de prendre rendez-vous.

La séance de pose m’a beaucoup plu. Nu, on ne s’appartient plus. On existe dans le regard de l’autre et j’étais curieux et avide de ce regard. J’ai donc docilement pris les poses qu’Idan me proposait. Sans réticence et sans gêne. Docilement on fixe dans l’immobilité une image de soi qu’on ne perçoit pas soi même. On offre au photographe son intimité, son abandon, sa fragilité et le photographe nous donne en échange son regard. Et ce regard nous fait vivre autrement. En posant j’aurais pu être plus impudique. J’aurais peut-être aimé l’ être. Le corps et ses secrets, qui pourtant restent le sujet même de la photo, ne comptent plus. Ce qui compte en posant c’est l’intégralité, la totalité, l’intensité du regard qu’on pose sur vous. On veut s’offrir au maximum pour être capté au maximum.

En venant dans son studio, je savais que j’étais le plus vieux de ses modèles et je voulais qu’il rende compte aussi de mon corps flétri. J’étais aussi curieux de voir comment Idan se comporterait devant ce corps déclinant, lui qui n’avait jusque là photographié que des modèles jeunes. Pendant que je posais, j’ai vite compris qu’il ne chercherait pas à édulcorer ou à camoufler mes rides par l’artifice de la lumière. Et qu’il cherchait à me saisir, en vrai. L’émotion est dans cette vérité qu’il a su trouver. J’ai aimé sans réticence la photo qu’il a choisie. J’aime le contraste entre la dureté de mon regard et l’abandon de mon corps. Je retrouve, en la voyant, toute l’émotion que je ressentais, en posant, face à lui. C’est un moment magique que je n’oublierai pas.