Studio Idan - Galerie d'art »» Actualités du Studio Idan »» Comment tout a commencé ?

INTERVIEW VIDEO

Comment tout a commencé ?

Genèse, la première collection du projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon. Idan vous parle de ses inspirations et de ce qui l'a poussé à continuer.

C’est avec la collection Genèse que l’artiste Idan Wizen a débuté son projet Un Anonyme Nu Dans le salon en 2009. Son Idée ? Transmettre au travers de ce projet une réflexion sur la place de la nudité et du corps dans la société d’aujourd’hui. Cette collection en noir et blanc teintée de rouge, nous montre des corps de différents âges, différents horizons avec pour but de montrer la beauté et la diversité du corps humain.

EN SAVOIR PLUS

Vous préférez lire que regarder une vidéo ?

Tête à tête avec l’artiste Idan Wizen

Bonjour, je suis Idan Wizen, artiste photographe à Paris. J’exerce ce métier depuis 2009 où j’ai commencé avec un projet qui s’appelait Un Anonyme Nu Dans Le Salon. Aujourd’hui, justement, je vais vous parler de la genèse de ce projet et de mes premières photographies.

 

Peux-tu nous décrire ton projet ?

Un Anonyme Nu Dans Le Salon, c’est un projet artistique qui a débuté en 2009, qui a pour idée de photographier l’humanité dans le plus simple appareil. Chaque être vient poser individuellement, sans casting, sans retouches, sans artifices. Et aujourd’hui, j’ai photographié plus de 2500 personnes. Des photographies que vous pouvez retrouver en ligne dans différentes expositions et sur mon site.

 

Comment est-ce que tout a commencé ?

Je terminais mes études, je revenais à Paris, j’habitais juste auparavant à Londres où j’ai terminé mes études et j’avais encore un peu de temps. J’avais envie de parler de plusieurs choses, j’avais envie de parler de la place de l’esthétisme dans la société. Je trouvais qu’à l’époque, c’est moins vrai aujourd’hui, qu’on était vraiment figé sur un seul stéréotype de corps. Des mannequins retouchés, retravaillés pour un magazine. Je trouvais que le beau pouvait être dans d’autres types de corps : chez l’homme, chez la femme, chez les personnes plus âgées, sur des rondeurs, sur plein de choses différentes.

Je voulais parler également de la place de la pudeur. J’avais le sentiment qu’on allait vers deux extrêmes. D’un côté, une pornographie omniprésente, souvent non sollicitée, sur Internet, sur les kiosques à journaux. Et en même temps un regain de puritanisme, de diabolisation du corps, comme si c’était mal de le montrer, qu’il y avait quelque chose de dérangeant. Et puis un dernier point, une réflexion, que je me posais sur l’attirance, sur ce qui nous plaît chez un être, quand on le sort de tout contexte socioculturel, quand on a plus son nom, qu’on a plus son âge, qu’on a plus sa profession. Qu’est ce qu’il nous plaît chez un être et qui fait qu’on le souhaite en petit, en grand, très grand chez soi, le regarder, l’admirer, et justement, se raconter une histoire. Cette histoire, j’ai voulu la raconter avec le projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon, où j’ai essayé de photographier des gens, sans casting, ils n’étaient pas choisis, peu importe leur physique, et d’essayer de transformer chaque être en une photographie d’art, une photographie que les autres allaient pouvoir regarder, admirer et apprécier. Puis ça a commencé par hasard, je me souviens, assis dans un café avec une amie, à parler et à mettre les choses en place. Et puis rapidement, on a décidé de lancer une première journée où je vais faire un maximum de shooting pour commencer à avoir de la matière. Alors personne ne me connaissait. Je n’avais jamais travaillé professionnellement dans le domaine de la photographie. Je sortais juste de mes études et c’était un vrai challenge qui allait s’annoncer à moi.

 

Comment s’est déroulée ta première séance ?

Les premières photos, c’était quelque chose d’assez cocasse à faire, plutôt amusant. Je n’avais pas de moyens, je n’avais pas de studio photo et je n’avais même pas un appartement suffisamment grand pour pouvoir faire les photos. Donc la première chose a été de trouver un lieu. La plupart de mes amis étaient étudiants ou avaient un boulot étudiant, à Paris, forcément avec des pièces limitées. Donc, on a été dans l’appartement des parents d’une amie qui eux avaient un plus grand salon, mais surtout, ils n’étaient pas au courant qu’on allait faire des photos. On n’a rien voulu leur dire. Je me souviens encore attendre en bas de l’immeuble avec tout le matériel, le font qui fait 2,72 m de long. Attendre qu’ils sortent de l’immeuble et qu’ils partent en week-end, pour pouvoir rentrer et m’installer, justement, dans leur salon. Voilà cette première séance. Les personnes qui sont venues, étaient principalement des amis, des amis d’amis, des gens qui m’ont fait confiance, des gens qui n’ont pas forcément vu mes photographies qui ne savaient pas à quoi ça allait ressembler, qui n’avaient pas d’idées, mais qui m’ont fait confiance. Et pour ça, encore aujourd’hui, je les remercie et je les remercie vraiment de la confiance qu’ils m’ont fait, ça m’a permis de me lancer et de commencer ce projet.

 

Quelles étaient tes premières difficultés ?

La première difficulté, était, je crois, avoir confiance en mes photographies, me dire qu’elles pouvaient être bonnes, qu’elles pouvaient plaire. C’est quelque chose dont on doute toujours. Je n’avais pas d’expérience, je n’avais pas de reconnaissance, donc ce n’est pas facile d’oser les montrer, les publier et de dire : regardez, c’est quelque chose que je vends et qui mérite d’être vendu. J’ai toujours trouvé ça très difficile de savoir si c’était suffisamment bon, suffisamment qualitatif. Puis la deuxième difficulté, c’est de se faire connaître. Se dire qu’on va les publier, c’est une chose. Mais faire en sorte que des gens les voient, des gens s’intéressent, des gens les comprennent. Elles plaisent justement. C’est aussi une autre, une difficulté qui demande du temps, du travail et de l’abnégation.

 

Quelle était la réaction de ton entourage et du public ?

Je crois que mon entourage était au début un peu sceptique. Ils ne savaient pas trop ce que j’allais faire et pourquoi. Mais globalement, ils m’ont toujours soutenu, ils ont toujours cru en moi, et c’est ce qui m’a permis de continuer à avancer, parce que sans un entourage qui soutient, c’est toujours difficile de rentrer dans un milieu artistique et de pouvoir faire son travail, le développer, et y croire. Le public, forcément, on a toujours un regard biaisé sur le public, parce que je n’ai pas les gens qui s’intéressent pas. Je n’ai pas les gens qui passent à côté sans rien voir. Cela ne viennent pas me parler, mais la réaction du public était relativement bonne, on m’a proposé extrêmement rapidement une première exposition, puis une deuxième, et tout s’est enchaîné très rapidement et s’en est devenu mon métier, mon activité principale en seulement quelques mois.

 

Qu’est-ce qui t’a motivé à continuer le projet ?

Alors j’aimais bien dire au début, pour continuer le projet, que je voulais photographier 6 milliards de personnes. Le challenge était peut être un peu élevé, je l’ai revu un petit peu à la baisse. Aujourd’hui, je dis toujours que j’ai envie de continuer tant que j’ai l’impression d’apporter quelque chose par des nouvelles photographies. Tant que j’ai l’impression d’être créatif, de faire des photographies qui parlent, qui sont neuves, qui sont différentes. J’ai envie de continuer, j’ai envie d’apporter. J’ai envie de pouvoir proposer justement aux gens qui me suivent, que ce soit sur le site ou sur les réseaux sociaux, les collectionneurs, leur proposer des nouvelles photos qui vont leur plaire. Et puis, c’est aussi un vrai plaisir à chaque fois d’échanger, de rencontrer des nouvelles personnes. Des gens qui ont leurs peurs, leurs inquiétudes, leurs questionnements, les aider, les accompagner dans cette démarche, c’est devenu, aussi, quelque chose de fort et d’intense et qui est vraiment fondamental dans un travail créatif.

 

Pourquoi avoir fait une seconde collection avec un univers graphique différent ?

La collection Genèse, elle comprend 100 photographies qui se sont réalisées sur un fond noir, en noir et blanc teinté. Et au bout de 100 photographies, j’ai eu envie de changer. Je n’avais pas envie de changer le projet. Je n’avais pas envie de changer l’idée même, cette idée justement de parler de l’esthétisme, de la pudeur, de l’attirance. Cette idée qui parlait justement du corps sans retouches. Mais j’ai envie de le montrer différemment. J’avais envie, graphiquement, d’évoluer, de travailler sur mes lumières, sur mon décor, sur mon éclairage, tout en gardant ce qui était essentiel pour moi : le modèle. Et donc j’ai travaillé sur une seconde collection, la collection Persévérance. Où je photographie également 100 personnes sur ce fond rouge très vif qui allait justement se percuter et être un impact fort pour le spectateur.

 

Peux-tu nous parler de trois photos qui te touche particulièrement sur cette collection ?

Trois photographies dont je vais vous parler, ce n’est pas facile puisque sur la collection Genèse, il y en a beaucoup, beaucoup qui m’ont marqué, beaucoup qui m’ont touchée, beaucoup et qui ont une histoire particulière. Forcément, c’était mon début mais on va dire que la première dont je vais vous parler, c’est la photographie, H023, qu’on a choisi de mettre juste ici. C’est une des premières photographies avec un homme vraiment âgé, en tout cas beaucoup plus âgé que moi, surtout à l’époque, qui m’a touchée justement. Il y avait ce regard, un regard presque d’un fils à son père. On a beaucoup discuté et beaucoup échangé avant. C’etait quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié. J’ai eu l’occasion, en plus de le revoir à plusieurs reprises après la séance, et qui avait vraiment un regard authentique, comme un sage qui venait me donner conseil et en même temps se livrer et me passer une sorte de flambeau. C’est une photographie que j’aime beaucoup. Et puis il n’y a pas que moi, on a eu la chance qu’elle soit primée, qu’elle ait eu un prix quelques années plus tard. En tant que Photoshoot Award, c’était mon premier prix, ma première photo qui a eu un prix international. Donc j’étais vraiment touchée par cette photo. Elle m’a beaucoup marqué. Et puis, je me souviens dès que je l’ai publié, rapidement nombreux amis, aux nombreuses personnes qui me suivaient à l’époque. m’ont tout de suite dit que celle là sortait du lot.

Et d’autres photographies dont j’ai envie de vous parler. C’est F023. Cette photographie elle m’a pas mal parlée parce que je pense qu’elle a beaucoup joué dans ce que j’ai fait plus tard. C’etait une photographie où le regard, le visage était au premier plan et le corps au second plan. Et en fait, c’est un peu paradoxal de prendre cet angle de vue quand je disais que je faisais de la photo de nu. Généralement, on va prendre le corps et puis le visage va être posé au dessus des épaules. C’est souvent la première logique. Ici j’ai pris justement un autre axe. J’ai photographié une personne. J’ai photographié ce que j’ai commencé à faire à ce moment là, c’est à dire : un portrait de personne nu, et j’essayais de garder toujours ça en tête. Depuis plus de dix ans maintenant, c’est une photographie qui me touche encore aujourd’hui et beaucoup par son sourire, son regard, son attitude.

Un moment qui m’a particulièrement touché également. C’était une photographie avec F024. C’était une jeune femme que je ne connaissais pas du tout. Elle s’est présentée à moi, on a discuté, on a échangé. Mais si vous regardez bien la photographie elle a une grande cicatrice qui traverse sa cage thoracique. Et cette cicatrice, je l’ai découvert en fait au moment de l’arrivée sur le fond, où elle était nue. Et on n’en avait pas parlé du tout avant ça m’a un peu surpris, je ne m’y attendais pas et en discutant après avec elle, elle me disait que cette cicatrice faisait tellement partie d’elle, qu’elle avait oublié de le mentionner. Et j’ai trouvé ça beau, j’ai trouvé ça fort, je trouvais ça touchant, et je trouvais que ça méritait d’être vu, d’être mis en avant de l’avoir justement oublié de la sorte.

 

Pourquoi s’être limité au format 40x60cm pour la collection Genèse ?

La collection Genèse, c’est une collection que j’ai voulu faire en huit exemplaires, dans deux formats, un format 20×30 cm et un format 40x60cm. C’est vrai qu’aujourd’hui, je me permet de faire des tirages qui sont beaucoup plus grands, beaucoup plus imposants. Mais à l’époque, je ne pouvais pas. Pour deux raisons très simples, la technique, Les appareils photo permettaient pas de faire la même chose qu’aujourd’hui. C’était en 2009. Il existait des appareils photo qui étaient capables de faire des grands formats. Mais en tout cas, moi, je n’avais pas les moyens financiers à l’époque d’acheter un appareil comme ça. Donc je travaille avec un petit appareil réflex qui permettait de tirer jusqu’au 40x60cm. Et au dessus, je trouvais que ça commençait à pixeliser. Donc je me suis arrêté là, et tout simplement, c’est des photos qui ne pourront pas exister dans un format plus grand, si ce n’est à perdre un petit peu en qualité.

 

Est-ce que le matériel est important pour un projet de photographie d’art ?

L’importance du matériel en photographie ? Oui et non. C’est une question qu’on pose rarement à un peintre ou un sculpteur, ou en tout cas beaucoup moins. Ça tombe beaucoup souvent au sujet de la photographie, comme si c’était l’appareil photo, l’éclairage, le type de flash, la marque de l’objectif qui allait tout faire. Je crois que c’est souvent annexe. Avant tout, le matériel, la technique permet justement d’apporter uniquement sur la forme, et pas sur le fond. Le fond est fondamental en amont. Et je crois que c’est surtout en photographie d’art. C’est ce qui va faire le cœur de la photographie. Donc c’est important d’avoir le matériel qui va vous permettre de réaliser ce que vous avez en tête, ce que vous avez envie. Mais je pense qu’on peut trouver plein de solutions créatives pour faire des choses différentes. Si on n’a pas les moyens d’avoir une telle lumière, un tel boîtier ou un tel objectif et qu’au fond, il faut savoir faire sans, il faut savoir s’adapter et savoir réaliser autrement. Si l’idée est là, si l’intention est bonne, le reste a une importance vraiment moindre.

 

Est-il toujours possible d’acquérir une photographie de la collection Genèse ?

Oui , c’est encore possible d’acquérir des tirages de la collection Genèse. Il nous en reste quelques uns sur notre site Internet. Vous pouvez les commander en ligne, ou tout simplement, venir me voir à mon atelier. Vous pouvez également espérer en trouver sur le second marché, en salle de vente aux enchères. Il faut juste suivre un peu attentivement. Et puis, je crois qu’acquérir un tirage de la collection Genèse, c’est quelque chose de fort. C’est acquérir l’étiologie du projet. L’idée première, l’idée la plus brute, c’est souvent d’ailleurs, des photos qui sont plus dures en termes de lumière, en termes de travail, de contraste. c’est vraiment acquérir l’idée brute qui m’est venue il y a dix ans et que certains ont suivi depuis aujourd’hui, il y a pas mal d’années, qu’ils apprécient et c’est vraiment acquérir l’étiologie de ce projet.